Distant Dialogue

KAREN CAMPBELL et ROBBIN DEYO

Distant Dialogue

  • Exposition
© Karen Campbell and Robbin Deyo—Distant Dialogue, Galerie B-312, 2010.

Après une formation au Emily Carr Institute of Art and Design, Karen Campbell obtenait en 2008 une maîtrise en arts visuels de l’université de Saskatchewan. Elle a participé à plusieurs expositions collectives à travers le Canada. Son projet de dessins, Walking the Land, a été présenté à la Crowsnet Pass Public Gallery en Alberta (2003). L’artiste se définit comme une nomade en raison d’un travail saisonnier qu’elle occupe chaque année et qui a une influence importante dans sa pratique.

Née en Colombie-Britannique, Robbin Deyo vit et travaille à Montréal. Détentrice d’une maîtrise en arts visuels de l’université Concordia, l’artiste a présenté son travail dans le cadre de plusieurs expositions au Canada, aux États-Unis et en France. Parmi ses expositions individuelles, notons, entre autres, sweet sensation, présentée à la Southern Alberta Art Gallery (2005) et Skyscapes, diffusée à EXPRESSION, centre d’exposition de Saint-Hyacinthe (2006). Plus récemment, elle réalisait l’œuvre in situ Flow à La Chambre Blanche, Québec (2009).

 

8 janvier 2010 au 6 février 2010

—VERNISSAGE VENDREDI 08 JANVIER 2010 À 17H

Robbin Deyo et Karen Campbell se sont connues le temps de leurs études à l’Emily Carr Institute of Art and Design de Vancouver. Elles se sont revues dix ans plus tard en 2005 à l’Université de Lethbridge comme professeures invitées. Ces retrouvailles inopinées ont été l’occasion d’un début de dialogue entre deux pratiques, entre deux approches du dessin, entre deux raisons d’être de la création. Leur échange s’est concrétisé avec l’exposition Drawing Distance, qu’elles présentèrent à la Trianon Gallery (Lethbridge, Alberta) en 2008. L’exposition visait à mettre en parallèle certaines de leurs œuvres, et c’est dans le même esprit qu’elles proposèrent à la Galerie B-312 Distant dialogue. Par contre, une partie du travail allait être cette fois réalisée in situ.

Les deux artistes utilisent un système d’écriture : Campbell écrit à main levée ou au moyen d’un tampon, Deyo utilise les innombrables possibilités du Spirographe, ce jouet dont on se servait, enfant, pour dessiner toutes sortes de formes spiralées. Toutes les deux font de ces systèmes leur instrument dessinateur. Et pour dessiner, toutes les deux procèdent par accumulation : le mot ou la phrase chez Campbell et la ligne chez Deyo sont les plus petites unités distinctives d’un système de graphie ; et chez l’une comme chez l’autre, dessiner consiste en une accumulation de cette unité. Campbell écrit jusqu’à ce que le geste disparaisse derrière la forme d’un nuage de mots plus ou moins dense. Deyo, elle aussi, ne cessera pas de tracer des traits tant qu’ils ne disparaîtront pas derrière le dessin de motifs plus ou moins géométriques.

Dans Drawing Dialogue, Campbell et Deyo mettaient en perspective les enjeux de leurs pratiques respectives l’une par l’autre. Cette dynamique existe encore dans Distant dialogue, mais elle est enrichie par les œuvres in situ, que les artistes ont réalisées en se concertant. Dans de telles conditions de production, il se tisse entre elles un rapport de dépendance réciproque. En plus de s’offrir à la comparaison, ces œuvres s’avèrent être le complément l’une de l’autre. L’œuvre de Campbell, dessinée au moyen d’une accumulation du même mot « flight » écrit une multitude de fois à même le mur, évoque un monde aérien ; celle de Deyo, composée d’une suite de lignes gris bleu, évoque un monde aquatique. Mais ces œuvres se complètent-elles au seul registre iconographique ? Quand bien même ce serait le cas, c’est dire que Campbell et Deyo auront dû se concerter pour décider du point final de leur dessin respectif.

C’est, je crois, ce moment particulier que Distant dialogue met tout particulièrement en représentation. Dans les corpus respectifs de Campbell et Deyo, certaines œuvres, comme Scroll you me de Campbell (2008) ou Flow de Deyo (2009), montrent qu’un des enjeux des deux artistes est de concevoir des œuvres où l’acte de dessiner ne connaîtrait pas de fin s’il n’y avait pas, pour les arrêter, des conditions extérieures indépendantes de leur volonté : un crayon trop usé, la surface d’inscription complètement remplie, ou simplement plus de temps pour continuer. Les artistes tournent-elles ainsi en dérision ce supposé savoir que le dessin exige pour qu’il soit mené là où il doit être conduit ? Je pense plutôt qu’elles trouvent là un moyen extrêmement efficace pour mettre en représentation le mystère de la « bonne forme », le mystère de ce jugement que les artistes posent chaque fois qu’ils prennent une décision d’ordre plastique. Et, si Campbell et Deyo s’associent de temps à autre pour exposer, c’est moins pour faire duo que pour mettre en représentation ce mystère, que les deux artistes figurent habituellement dans les moyens qu’elles se donnent pour dessiner, mais qu’elles personnifient l’une pour l’autre dans distant dialogue.

—JEAN-ÉMILE VERDIER