La Galerie B-312 a le plaisir de clore sa saison avec 978-0816630288, la plus récente exposition d’Alexis Gros-Louis. L’artiste wendat explore le paradoxe de la vie et de la culture autochtone contemporaine. En s’appuyant sur les théories postcoloniales, sur l’épistémologie critique et sur les nouvelles recherches en archéologie, il tente de faire un renversement dans le remplacement et l’effacement de la mémoire et du patrimoine des Premières Nations par une remise en question des infrastructures et de l’autorité des institutions politiques, sociales et culturelles. L’artiste se questionne également sur le rôle que les nouvelles technologies peuvent tenir dans cette quête. Une tension forte existe dans cette volonté de concrétiser des actions régénératrices, de raviver des modes de vie traditionnels sans nier le contexte contemporain d’un monde de plus en plus numérique et dématérialisé.—En effet, Alexis Gros-Louis doit naviguer avec plusieurs contradictions. En tant que chercheur, il opère depuis et avec l’institution qu’il veut transformer. Mais comment peut-on créer un nouveau discours tout en échappant aux formulations autoritaires ? Comment peut-on dénoncer les stratagèmes des musées si l’on a besoin d’utiliser le matériel qu’ils archivent pour le faire? Devant le manque d’accès à la production culturelle ancestrale, quelle peut être la signification d’une représentation virtuelle ou d’une reproduction d’artefacts authentiques grâce aux nouvelles technologies ?—La volonté de lier plusieurs domaines de connaissance rend le travail d’Alexis Gros-Louis dense et riche, autant politiquement, matériellement que symboliquement. Travailler à une émancipation à partir d’une histoire en grande partie spoliée crée des territoires flous où l’imaginaire et le réel s’entremêlent. Sa production d’images et d’objets porte plusieurs couches parfois contradictoires qui lui permettent d’entrelacer et de générer différents récits en proposant des perspectives alliant le passé et le présent, le traditionnel et le contemporain, mais aussi le chaos et la structure, la stabilité et la fragilité.—En tant qu’agent de liaison pour le Conseil de bande Huron-Wendat, il visite régulièrement des sites archéologiques en Ontario. Si ce travail rend visible la façon dont la terre se révèle être un puissant outil narratif, il laisse aussi apparaître que cette science s’est fondée dans une certitude du droit des colons sur les terres autochtones. Ainsi, plusieurs artefacts sont jugés « problématiques » parce qu’ils ont été retirés de leur contexte culturel, créant des lacunes historiques importantes et laissant place à toute une série d’interprétations concernant leur fonctionnalité potentielle. Selon la chercheuse Tiziana Gallo1, il faudrait se questionner sur les diverses relations et trajectoires de ces artéfacts décontextualisés pour faire émerger de nouvelles réponses qui seraient non seulement pertinentes pour la compréhension du passé, mais qui auraient également un impact sur le présent et sur l’avenir postcolonial. Il ne faut pas avoir peur de s’asseoir avec l’inconfort et l’incertitude qu’une telle démarche propose. Les oeuvres d’Alexis Gros-Louis incarnent cette volonté avec générosité et sensibilité. 

—Isabelle Guimond

1. Chercheuse associée en archéologie au Royal Ontario Museum qui a écrit le texte About Problematicals https://www.academia.edu/103898270/About_Problematicals_.